En février 1998 la Galerie Bleue présentait sa première exposition. Le premier accrochage consacré à la
photographie allait inaugurer un parcours que nous n’avions pas envisagé aussi long. Le pari de faire vivre une galerie dans un collège est gagné : la variété des modes d’expression
(peinture, sculpture, dessin, gravure, installation, céramique, photo…) a permis d’éclairer un large public sur l’art vivant et de toucher toutes les sensibilités ; le travail des collégiens
prouve que l’œuvre d’art est un riche support pour l’écriture et l’action ; la rencontre avec les artistes simplifie les rapports entre le créateur et le regardeur et favorise un dialogue
constructif. La présence de l’art en milieu rural correspond bien à une demande, et peu à peu, les timidités s’estompent, la curiosité s’aiguise, une relation conviviale s’est installée entre le
public et la galerie. C’est un constat, une réalité qui nous conforte dans les choix que nous avons faits. Nous avons précédé depuis longtemps la réforme envisagée pour l’éducation
artistique.
Quinze ans plus tard, après 47 expositions c’est aux GRANDSSITES de
MIDI-PYRENEESque nous prêtons nos cimaises. Un clin d’œil au Conseil Régional qui a toujours
soutenu notre action. C’est l’occasion de réviser la géographie, de se réapproprier le territoire « REGION », d’en vérifier les contours : le Gers flirte largement avec
l’Aquitaine, l’Ariège se faufile vers le Roussillon, l’Aveyron caresse le Languedoc et s’incruste en Auvergne, le Lot tutoie le Centre ! La Haute-Garonne serait presque enfermée sans ce
petit balcon sur le Languedoc-Roussillon ! Cependant, son ouverture sur un bout de Pyrénées lui permet de côtoyer l’Espagne comme le fait largement le 65. Le 81 est sagement installé dans sa
forme arrondie, et le 82 s’offre le luxe de voisiner avec 6 départements ! Voici MIDI-PYRENEES, la plus vaste région de France!
Donc de la photo en guise de 15èmeanniversaire ! C’est la 7èmeexposition dans ce registre d’expression. Il s’agit ici d’une commande du Comité Régional du
Tourisme, confiée à Dominique VIET, photographe à Toulouse, dans le but de valoriser le tourisme dans Midi-Pyrénées. 26 images de grandes dimensions, de même format, groupées par séries,
s’étirent sur les murs. Le langage photographique prend ici toute sa saveur. Contraint par un cahier des charges, le photographe jouit-il d’une marge de liberté pour exprimer un regard singulier
c'est-à-dire va-t-il au-delà de la belle carte postale ?
L’ensemble des images se caractérise par des cadrages variés, une recherche méticuleuse de la lumière, et des angles de vue parfois inattendus et
audacieux ! Vue aérienne sur la cathédrale d’Auch, qui permet de découvrir son plan en croix latine, son chevet et son emplacement dans la ville ; angle resserré semi-plongeant sur le
clocher de celle de Rodez qui met en valeur sa hauteur, sa situation hors œuvre et sa dentelle de grès rouge ; cadrage oblique qui dynamise le damier de la bastide de Villefranche de
Rouergue ; vue plongeante sur la Toulouse aux toits rouges dont la bordure ourlée d’ombre s’ouvre comme une fermeture éclair pour dévoiler le triangle d’une petite place ornée du
cercle de sa fontaine.
Des lumières rares supposent de patientes attentes : le ciel rosissant d’un coucher de soleil sur le viaduc de Millau ; un contre-jour
vaporeux au petit matin depuis la cime de Cordes-sur-Ciel.
Des partis-pris osés : St-Cirq-Lapopie, village médiéval, la tête en bas, dans l’eau claire et calme du Lot ; le pont Valentré à Cahors
devenu une image abstraite tellement l’ombre y combat la lumière ; le choix de la verticalité pour le canal des deux mers qui le fait ressembler au parc de Versailles. Voilà des images
exceptionnelles qui révèlent des sites qu’on ne pourra jamais voir ainsi, et qui suscitent l’envie de se bouger et de partir les confronter à la réalité.
L’image a ceci de bien, c’est qu’elle parle toute seule, et si on a appris son langage, elle est encore plus bavarde et nous en dit davantage. A
travers les photos de Dominique Viet le regardeur ne peut
qu’être touché et convaincu. Il est devant des paysages fabuleux, des lumières inattendues, il découvre un passé prestigieux, des monuments préservés, des lieux où se célèbrent les noces de la
terre et de la pierre, de l’eau et de la lumière. Et si nous-mêmes, autochtones envieux d’exotisme, commencions par arpenter ce territoire administratif afin de le connaître, d’en découvrir la
richesse, d’en apprécier la diversité pour qu’il devienne notre territoire de cœur ?
Anto Alquier
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